Ce matin, j’avais envie de revenir sur cette activité menée avant les vacances de février afin avant tout d’en garder une trace mais aussi parce que je m’amuse beaucoup à tester des tas de choses nouvelles avec ce groupe de 5e qui est d’une curiosité et d’une vivacité assez incroyables. Je l’appelle secrètement mon laboratoire
Lorsqu’on avait ouvert la séquence sur ce roman pépite, leur capacité à analyser la couverture et l’incipit m’avait bluffée (tiens, faudrait aussi que je vous en parle de ça).
Je me suis alors dit que pour la clore, une analyse de texte serait une excellente option et je voulais absolument les laisser gérer seuls. Bon, vraiment seuls face au texte, je me disais que c’était encore un peu tôt et puis ce qui est remarquable dans ce groupe, c’est l’émulation qui s’y produit. Ils s’enrichissent les uns les autres, rebondissent sur les propos de leurs camarades même si l’écoute et la gestion de la frustration, c’est pas toujours ça. Chaque chose en son temps.
Je vous explique donc comment j’ai procédé. Cette technique a sûrement un nom que j’ignore encore mais là n’est pas la question.
J’ai dans un premier temps lu l’extrait à la classe. J’avais au préalable préparé un document A3 avec le texte au centre et tracé au crayon 4 espaces.
Ensuite, je les ai répartis en groupes de 4.
Ils ont eu dix minutes pour relire le texte ensemble, le situer (c’est notre lecture intégrale) et lui donner un titre.
Ensuite, je leur ai dit de procéder comme nous faisons habituellement en notant dans un des espaces prévus à cet effet leurs remarques sur cet extrait en insistant sur son intérêt. Chaque élément devait être justifié et certains se sont tout de suite emparés de surligneurs afin d’établir une légende à leur analyse car c’est ainsi que nous procédons pour TOUS les textes étudiés ensemble, dès la 6e.
Je n’ai jamais distribué à mes élèves de questionnaires de lecture. Une analyse de texte doit être vivante, avancer par étapes et dépend entièrement de ce qu’il se passe en classe. En fait concrètement, c’est à eux de trouver les questions qu’on doit se poser en fonction de ce qu’on cherche à prouver, à eux de comprendre pourquoi j’ai choisi cet extrait plutôt qu’un autre. Comme souvent je digresse mais il est vrai que c'est un sujet sensible. Alors que nous nous évertuons à faire bouger les lignes en matière de pédagogie, de rapport au texte, à la lecture et à l'écriture, je suis assez surprise de voir que dans les faits (manuels, éditions scolaires etc.) absolument rien ne bouge et qu'on nous demande de coller à un squelette depuis longtemps dépassé. Je pourrais en parler longtemps (et être bien incorrecte si on me lance sur le sujet) alors revenons à nos moutons.
Ils ont de nouveau eu dix minutes pour entamer l’analyse de texte.
D’un point de vue technique, j’affiche un chrono avec Classroomscreen au tableau.
Une fois les dix minutes écoulées, ils ont désigné d’un commun accord un membre de leur groupe qui resterait et rendrait compte de leur travail. Les trois autres élèves ont tourné dans le sens des aiguilles d’une montre.
J’ai ensuite affiché 10 nouvelles minutes au tableau.
Cette fois-ci, l’élève resté à sa table a dû expliquer aux autres ce qu’ils avaient pour l’instant trouvé. Les nouveaux arrivants ont pu ajouter dans un des quatre encadrés leurs remarques personnelles et ainsi enrichir l’analyse préalablement menée.
Au bout des 10 minutes, les trois élèves tournent de nouveau et on réitère jusqu’à ce que les quatre encadrés soient remplis (l’un d’eux est rempli par le groupe initial et les trois autres par les groupes reformés toutes les 10 minutes)
Une fois que c’est fait, tous les élèves regagnent leur groupe initial et viennent une dernière fois échanger et compléter le document se trouvant sur leur îlot.
Nous avons debriefé ensuite à l’oral afin de recueillir leurs premières impressions et voir ce qui en était ressorti. C'est ce qu'il me reste à améliorer.
Tout d’abord, cela leur a beaucoup plu. Ils ont aimé fonctionner ainsi et c’est vrai que c’est une classe où le travail de groupes fonctionne.
Ensuite, on a réfléchi ensemble à ce qui leur a paru devoir être amélioré et je vous ajoute ici mes propres réflexions:
- trois tours, c’est peut-être trop. Au final, le dernier groupe avait peu de choses à ajouter. Dans ce cas, garder le dernier encadré pour faire la synthèse ensemble (15mn ?) et venir répondre à une question du type « quel est l’intérêt de ce texte? » (je dois encore peaufiner ce point)
- si le fait de changer de groupe était selon moi une bonne idée, les trois autres restent ensemble. Cela restreint à mon avis l’émulation. Il faudrait créer un roulement qui permette à tous de se retrouver avec des membres des différents groupes. J’y travaille même si j’y vois des limites car ça sous-entend qu’il faut qu’ils soient capables de se mettre au travail aussitôt (10 minutes c’est court) et parfois à cet âge lorsqu’ils se retrouvent sur un groupe alors qu’ils étaient « séparés » ça les empêche d’être focus sur l’activité.
Si je pars sur cette configuration, cela pourrait donner ça (il faudrait dans ce cas attribuer à chaque élève une couleur et un numéro et une feuille de route afin qu'il sache où il doit aller ensuite)
- Il faudrait que je teste cette séance en 3e et la mener suffisamment régulièrement pour qu’ils acquièrent des automatismes dans l’analyse. Beaucoup de collègues proposent des fiches d’aide à l’analyse mais encore une fois, s’ils ont les fiches, ils cherchent la réponse sur leurs fiches et non dans le texte. Je veux les amener à raisonner par eux-mêmes d’autant que ce qu’on cherche dans un texte, si on réfléchit bien, c’est toujours un peu la même chose… On part toujours de ce qu’on ressent et de comment c’est mis en place dans le texte. S'il est vrai que je suis Miss Méthode en langue, je trouve ça beaucoup plus risqué en analyse. Les impressions de lecture doivent demeurer le point de départ de toute analyse.
- Le plus gros du travail qu’il me reste à améliorer est le APRÈS. Une fois le travail de groupe fini, comment rendre compte de manière pertinente et interessante de leur travail? Tous les groupes avaient dans l’ensemble trouvé les mêmes éléments puisqu’ils ont confrontés leurs impressions. Je n'ai donc pas repris l'analyse en classe entière car cela me semblait faire une redite. Est-ce que la synthèse suggérée plus haut ne devrait finalement pas être un travail individuel afin de voir ce que chaque élève a retenu du texte, de cette séance? Pour le coup, envisager l'an prochain d'avoir des carnets de lecteur à la manière dont Léa en parle me semble pertinent. Ils pourraient dans ce cas rendre compte de ce travail mais aussi des difficultés rencontrées au sein même de ce journal réflexif (ce que j'ai apprécié, appris, ce qui m'a mis en difficulté, ce que je n'ai pas compris...).
Entraide, travail de groupes, coopération sont en ce moment au cœur de ma réflexion pédagogique et même si je n’ai pas encore toutes les réponses (et que je ne les aurais certainement jamais) ce sont sans aucun doute ce qui m’amène à me questionner et à partager cela ici.
Se remettre en question constamment, tel est mon leitmotiv. Faire en sorte que tous les élèves deviennent acteurs de leurs apprentissages mais surtout, qu’ils prennent du plaisir à apprendre.
Merci beaucoup pour ce post très intéressant. Je cherche à faire des séances d'analyse de texte plus efficaces / vivantes, et voilà qui me donne matière à réflexion. J'ai l'impression que la configuration montrée sur les schémas de la fin correspond à une activité "Jigsaw", comme le dit le jargon de l'INSPE :-)
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